Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/294

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pendant trois jours, les chrétiens étaient extrêmement affaiblis, et perdant bientôt tout espoir, ils s’abandonnèrent à la tristesse ; ils disaient en pleurant : « C’en est fait, nous sommes perdus ! » Je leur montrai une image de la très-sainte Vierge, qui après Dieu était notre unique espérance, et je leur dis : « Ne craignez pas, voici la sainte Mère qui est près de nous pour nous secourir. » Par ces paroles et d’autres semblables, je m’efforçais de les consoler et de leur donner du courage. J’étais moi-même malade, mais, prenant un peu de nourriture malgré ma répugnance, je travaillais et cachais mes craintes. Je baptisai alors un païen, déjà catéchumène, que j’avais pris pour mon premier matelot. Peu après, notre gouvernail fut brisé par la fureur des vagues ; c’est pourquoi, ayant lié les voiles ensemble, nous les jetâmes à la mer en les retenant avec des cordes ; mais ces cordes se rompirent et nos voiles furent emportées. Nous essayâmes encore de lutter contre les flots avec des nattes liées à des morceaux de bois ; mais ayant perdu bientôt cette dernière ressource, privés de tout secours humain, nous mîmes notre seule espérance en Dieu et en la Vierge Marie, nous récitâmes nos prières, et nous nous endormîmes.

« À mon réveil la tempête avait diminué et la pluie avait cessé, nous sentîmes nos forces se ranimer ; j’ordonnai à tous de prendre quelque nourriture et de revivre dans le Seigneur. Ainsi fortifiés, nous cherchâmes à gouverner notre barque ; mais que pouvions-nous sans mâts, sans voiles, sans gouvernail, sans canot ? Toujours pleins d’une inaltérable confiance en la très-glorieuse Vierge Marie, nous rassemblâmes tout ce qui nous restait de bois, et nous pûmes confectionner des mâts et un gouvernail. Enfin, après avoir navigué par un vent contraire pendant cinq jours, nous nous trouvâmes près des côtes de la province de Kiang-nan, dont nous vîmes une montagne. Mais n’ayant que des mâts insuffisants, et manquant de toutes les choses nécessaires à la manœuvre, nous désespérions de pouvoir aborder à Chang-haï. Nous désirions demander aux Chinois de l’aide, ou au moins quelques indications sur la route à suivre ; mais nous n’avions pas de canot pour aller à eux, et, de leur côté, ils fuyaient à notre vue. Sans aucun secours humain, nous attendions uniquement celui du ciel. Enfin vint à passer un navire de Canton, qui s’éloignait comme les autres ; je lui fis un signal de détresse en agitant une toile, et en frappant un tambour ; il refusait d’abord de venir, mais il s’approcha enfin poussé par la pitié. Je montai à bord, et après avoir salué le capitaine, je lui demandai