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tien, assurent les uns, par le besoin d’argent pour nourrir ses nombreux satellites, disent les autres, probablement par les deux motifs à la fois, il résolut de s’emparer des chrétiens aisés de la capitale. Un de ses parents, ex-mandarin, ruiné par le jeu et la débauche, fut associé par lui à ses projets, et obtint une troupe considérable de satellites, pour faire dans la province une expédition analogue. Dès le premier jour, un certain nombre de chrétiens influents furent saisis à Séoul, et des perquisitions d’une sévérité extraordinaire furent organisées pour découvrir ceux qui avaient échappé. En même temps, trois ou quatre chrétientés importantes de la province étaient envahies, et une trentaine de chefs de famille expédiés, pieds et poings liés, à la capitale.

Comme nous l’avons vu, Mgr Berneux se trouvait alors dans la partie montagneuse de son district, où le choléra faisait de nombreuses victimes. Trois courriers, expédiés coup sur coup, lui apportèrent aussitôt la nouvelle que le gouvernement avait enfin résolu d’anéantir les chrétiens, et de s’emparer des prêtres étrangers ; que la capitale et toutes les provinces étaient remplies de satellites, qui saccageaient, pillaient et détruisaient les maisons des chrétiens ; enfin que partout, les fidèles épouvantés ne savaient où fuir la fureur de leurs ennemis. Sa Grandeur écrivit à la hâte quelques lignes à Mgr Daveluy, et, fuyant la nuit à travers les montagnes couvertes de neige, dut se réfugier, de gîte en gîte, chez des chrétiens d’abord, puis chez quelques honnêtes païens, sans pouvoir, pendant huit jours, trouver un lieu de repos. De son côté, l’avis à peine reçu, Mgr Daveluy expédia des courriers dans toutes les directions, pour prévenir les missionnaires de se cacher le plus tôt et le mieux possible, en attendant les événements.

Le mal, sans être aussi grand que le représentaient les dépêches envoyées à Mgr Berneux, avait, dès l’abord, pris d’effrayantes proportions. En voyant leurs coreligionnaires arrêtés, chargés de chaînes et jetés dans les prisons, leurs maisons pillées, des villages entiers incendiés ou rasés, les chrétiens de la capitale et des provinces environnantes, qui ne s’attendaient à rien de semblable, furent saisis de terreur, et la plupart prirent la fuite vers les montagnes. C’était un spectacle déchirant que celui de ces infortunés, qui, au plus fort de l’hiver, par un froid de quinze à vingt degrés, n’ayant plus ni argent ni provisions, cherchaient inutilement un abri. De pauvres femmes cheminaient péniblement à travers une neige épaisse, traînant par la main leurs enfants en état de marcher, et portant sur le dos ou entre