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la foi, quoi que pût faire sa famille. Mgr Berneux chargea Marc Tieng de remmener dans sa maison et de l’examiner avec soin, et, huit jours après, sur le témoignage favorable de Marc, il lui accorda le baptême. C’était en 1863. « Rappelez-vous, dit-il au néophyte en le renvoyant dans la maison paternelle, rappelez-vous que vous êtes devenu enfant de Dieu ; gardez-vous de servir le démon, et efforcez-vous de faire participer vos parents à votre bonheur. » Alexis fut très-mal reçu par son père et par ses frères. Chaque jour il avait à subir des injures, et souvent des coups. Il patienta pendant plusieurs mois, puis, craignant sa propre faiblesse, il dit un jour à son père : « Je ne puis renier la religion du maître du ciel. Vous dites que par là je vous déshonore, que je remplis d’amertume chaque instant de votre vie ; donnez-moi la permission de m’éloigner. — Tant mieux, répondit brusquement le père, le plus tôt sera le meilleur. » Alexis revint à la capitale, et demanda asile à Marc Tieng. Il passa dans sa maison un an entier, dans une retraite absolue, transcrivant des livres pour gagner sa nourriture, et ne cessant de prier Dieu pour la conversion de sa famille.

Ses prières furent enfin exaucées. Il apprit, par deux chrétiens du Hoang-hai, que son père semblait beaucoup mieux disposé, et qu’il avait plusieurs fois demandé de ses nouvelles et manifesté le désir de le revoir. Il se hâta de retourner vers lui. Quelques jours après son arrivée, son père le prit à part et lui dit : « Tu sais que le roi et les grands du royaume persécutent les chrétiens et les regardent comme dignes de mort, que celui qui embrasse cette doctrine se déshonore en omettant les pratiques religieuses et surtout les sacrifices aux ancêtres ; d’un autre côté, je crois que tu as l’esprit assez éclairé pour ne pas être dupe d’une erreur grossière, et le cœur assez bon pour ne pas contrister de propos délibéré ton vieux père et toute ta famille. Fais-moi connaître les secrets de cette religion ; ne me cache rien. » Alexis, transporté de joie, commença à l’instant même l’explication des grandes vérités chrétiennes, et, la grâce de Dieu aidant, après quelques semaines, son père, toute sa famille, et quelques-uns de ses proches, vingt personnes en tout, reçurent ensemble le baptême. La famille Ou était trop connue pour pouvoir rester impunément dans le pays après sa conversion ; elle émigra dans la province de Pieng-an au district de Non-sai, afin de pratiquer librement sa religion. Le père d’Alexis mourut, quelques mois après, dans d’admirables sentiments de foi.

Quand éclata la persécution, Alexis fut arrêté avec seize autres