Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/120

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traire au caractere qu’il lui donne : telle eſt cette pointe.

La peſte de ta chute, Empoiſonneur au Diable.
En euſſe tu fait une à te caſſer le nez.

pointe d’autant plus déplacée dans la bouche du Miſantrope, qu’il vient d’en critiquer de plus ſupportables dans le Sonnet d’Oronte

.

Rien n’eſt moins réflechi que ce reproche : ce que vous appellez une pointe dans la bouche d’Alceſte n’en eſt pas une ou du moins c’en eſt une qui devient un bon mot par la circonſtance ; telle que ces pointes qu’on lâche dans la converſation & qui font tout l’effet des bons mots, eu égard à l’impromptû, au geſte, au ton, à la circonſtance qui les accompagnent : exemple.

Lorſque le Cardinal Janſon, diſoit à Boileau qu’il devoit changer de nom & au lieu de Boileau ſe faire appeller Boivin, c’étoit une pointe froide & platte. Le Cardinal vouloit faire rire, on le ſentoit, on ne rit pas ; mais lorſque Boileau lui repart à l’impromptû Monſeigneur, vôtre Éminence devroit auſſi changer de nom & au lieu de Janſon ſe faire appeller Jean Farine. On rit ſans doute beaucoup parce que ſa pointe avoit le mérite de l’impromptû que n’avoit pas celle du Cardinal. Lorſqu’Oronte vient lire un Sonnet tiſſu de pointes réflechies qu’il croit des bons mots, ſon Sonnet doit déplaire comme la pointe du Cardinal Janſon : des jeux de mots penſés & médités ne peuvent pas pro-