Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/130

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doute de gens d’une vertu extraordinaire, ne veut pas qu’on peigne d’autres mœurs ſur la ſcene Françoiſe, qu’on n’ait point d’autres Héros ni d’autres Acteurs que ceux des Grecs. Pourquoi Diantre auſſi, Meſſieurs, vous aviſez vous de mettre d’honnêtes femmes au Théatre, ſi vous aviez le goût grec, vous n’y mettriez que des Courtiſanes, des Paraſites, des Ganimedes & des Antinoüs : convient il donc à de plats modernes d’oſer mieux faire que les Anciens & de ménager les oreilles chaſtes. Vous convient il, Mesſieurs, d’oſer faire des Tragédies, vous qui n’êtes ni Miniſtres, ni employés dans les affaires d’État, vous qui par conſéquent ne pouvez imaginer des ſituations analogues à des intérêts d’État. l’Hiſtoire & le Gouvernement des Monarchies peuvent-ils produire des plans aſſés ſublimes : c’eſt aux ſeules Républiques à qui cet honneur eſt réſervé, c’eſt à Rome, à Athênes, à Lacédémone, à Lucques, à St. Marin, à Genève ſur-tout à qui il eſt excluſivement accordé d’avoir des Héros ; c’eſt dans une Ville célèbre comme cette derniere qu’une Politique ſublime prépare des événemens Dramatiques. Trois grandes Puisſances l’environnent ; ce n’eſt pas comme on ſe l’eſt imaginé jusqu’à préſent, à la jalouſie réciproque de ces trois Puiſſances ; ce n’eſt point à l’attention & à l’intérêt que chacune d’elles a d’empêcher une de ſes rivales de s’en emparer, que Genève doit ſa tranquillité, c’eſt à la crainte qu’elle inſpire & comment