Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/142

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Depuis aſſés longtems, mon Peuple les partage.
L’amour qu’il a pour moi ſans doute eſt ton ouvrage.
Je vois avec plaiſir ce Peuple, comme moi,
Reconnoitre un grand homme, & même un pere en toi.
Fais ceſſer ſes chagrins ; je laiſſe à ta ſageſſe
Le ſoin de le calmer, de bannir ſa triſteſſe.
Moi même je ne puis là deſſus lui parler ;
Mes pleurs me trahiroient, voulant le conſoler.
Dis lui qu’aſſés longtems ſa déplorable Reine
L’a vû ſouffrir pour elle, & partage ſa peine.
Le deuil de tous côtés ſe préſente à nos yeux.
C’eſt aigrir nos douleurs & je crois qu’il eſt mieux
Que le Peuple aujourd’hui célèbre la mémoire
Des exploits dons Bacchus honnora nôtre hiſtoire.
L’éclat de ce grand jour, & la pompe des jeux
Diſtrairont quelque tems les chagrins ténébreux.
La Reine à ce ſpectable oubliant nos malheurs,
Peut-être arrêtera la ſource de ſes pleurs.
Va, porte à mes ſujets ma volonté ſuprême ;
Qu’il cache ſes ennuis à la Reine, à moi même.
Et qu’il attende tout d’un Maître tout puiſſant,
Que les Dieux ont formé juſte & reconnoiſſant.