Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/19

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des Corelli, & des Mondonville ? Que de ſiécles n’a-t-il pas fallu à tous les arts pour devenir ce qu’ils ſont ! La Poëſie n’a pas été plus privilegiée que les autres arts, & ſi Ariſtophane a mieux fait que les Inventeurs inconnus de la Comédie, Ménandre a montré qu’on pouvoit mieux faire qu’Ariſtophane en ſubſtituant une critique générale des vices à des ſatires odieuſes & perſonnelles.

Moliére a montré qu’on pouvoit être auſſi amuſant que Plante, auſſi ſpirituel que Térence ſans choquer la bienſéance, c’eſt ainſi que le Théatre François peut ſe glorifier d’être devenu un ſpectacle digne de tous les hommes, puiſqu’il a acquis le degré de perfection qui le rend utile à tous, au lieu que les ſpectacles des autres nations ne ſont bons que pour elles mêmes & ſeront toujours bornés à ne plaire qu’à chacune en particulier, tant que les régles établies par Ariſtote & reſpectées des ſeuls François n’auront pas acquis le crédit qu’elles méritent dans l’eſprit des Dramatiques de toutes les nations, & que ceux ci ne s’attacheront pas comme les Auteurs François à ſe rendre utiles, encore plus qu’agréables.

C’eſt Corneille & Moliére à qui l’on doit ce goût & ce goût eſt le père du Miſantrope & du Tartuffe. Si l’on veut juger de la bonté de ces piéces par le petit nombre de gens à qui elles plurent en France dans leur nouveauté on ne les repréſenteroit pas aujourd’hui avec tant de ſuccès en Allemagne : mais il