reur ou de pitié par des tableaux moins effraians & moins atroces ſera celui en faveur duquel on doit préſumer qu’il eſt plus humain, plus vertueux, plus ſenſible, & par conſéquent plus facile à corriger de ſes defauts, puiſqu’il faut des reſſorts moins violens pour l’émouvoir & le toucher.
La complaiſance d’un Auteur à peindre dans ſes perſonnages les mœurs & le caractere de ſes compatriotes, c’eſt à dire de donner à ſes Héros des Vertus que l’hiſtoire leur refuſe, & qui ſont communes dans ſa Patrie me paroit louable en ce que c’eſt un moyen d’entretenir ces bonnes qualités dans la Nation, de les faire aimer d’avantage & de captiver l’attention du ſpectateur en l’intéreſſant pour des Vertus & des bonnes qualités qu’il a lui même, c’eſt ſans doute le motif qui a porté Racine à donner à ſes Héros la politeſſe & la galanterie Françoiſes, & ce ne ſont que des gens de mauvaiſe humeur qui peuvent trouver que ces Héros y ayent perdu. Quoi, parce que l’on aura donné à Britannicus une ame délicate, un amour pour Junie fondés ſur le mérite, les grâces & les vertus de cette Princeſſe ; qu’on aura, dis-je, uni dans une ame généreuſe ce ſentiment louable à la fierté Romaine, il s’en ſuivroit que ce Héros ne ſeroit plus digne de l’oreille des ſages ? Depuis quand donc l’amour généreux, délicat & poli ne peut il plus s’accorder avec la grandeur d’ame ? La politeſſe des François a-t-elle exclu l’héroïſme de chez cette nation & le