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Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/61

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avertit le Public que ce n’eſt pas pour encourager nos Ferragus qu’il fait paroître la valeur du Cid avec tant d’éclat.

On admire à la Comédie le Cid qu’on iroit voir pendre en greve. Eh ! quel eſt M. le cœur aſſés barbare pour prendre plaiſir à ce dernier ſpectacle ? Quel eſt l’homme aſſés ſtupide, aſſés inhumain pour ne voir qu’un Criminel dans la perſonne de ce Héros qu’on traîneroit au ſuplice ? On ne verroit en lui qu’un martyr du point d’honneur ; & toutes les réflexions que vous faites ſur l’établiſſement des loix qui le proſcrivent ſe préſenteroient à l’eſprit de tout homme ſenſé pour juſtifier le prétendu Criminel : étes-vous bien ſûr d’ailleurs que ces loix ne ſeroient pas mitigées en faveur d’un fils qui ne ſeroient criminel que par l’ordre de ſon pere & par excès d’attachement pour lui.

Entretenir le courage dans le cœur d’un Peuple quelconque, c’eſt faire un bien moral & politique. C’eſt aux loix, à la raiſon, c’eſt aux Auteurs Dramatiques à lui faire ſentir que la fauſſe application du courage eſt un vice & cela n’eſt pas ſi fort éloigné du ſuccès que vous vous l’imaginez.

Je me trompe fort ſi vous n’avez imaginé un très beau dénouëment pour quelque Tragédie ou Comédie dans laquelle le point d’honneur mal entendu ſeroit l’objet de la critique. Le perſonnage que vous indiquez à Louis XIV. vis à vis de M. de Lauzun ſiéroit parfaitement à quelque Héros poëtique.