Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/81

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trée & Mahomet : mais je remarque en même tems, que Néron & les deux autres monſtres ci deſſus ne gagnent rien à leur triomphe, qu’une horreur plus grande de la part des Spectateurs ; je le prouverai bientôt. Revenons.

Quel jugement porterons nous d’une Tragédie, bien que les criminels ſoient punis, ils nous ſont repréſentés ſous un aspect ſi favorable que tous l’intérêt eſt pour eux, où Caton le plus grand des humains fait le rôle d’un pédant, ou Ciceron le ſauveur de la République eſt montré comme un vil rhéteur, un lâche, tandis que l’infame Catilina couvert de crimes qu’on n’oſeroit nommer, prêt d’égorger tous ſes Magiſtrats & de réduire ſa Patrie en cendres, fait le rôle d’un grand homme, & réunit par ſa fermeté, ſes talens & ſon courage, toute l’eſtime des Spectateurs &c.

Avec quelles lunettes avez vous donc vû cela, eſt ce dans la piéce de M. de Crebillon ou dans celle de M. de Voltaire, eſt ce dans toutes les deux ? Il falloit vous expliquer. Dans celle de M. de Crebillon les gens ſans humeur voyent un Scélérat ſublime peint tel qu’étoit Catilina, & qu’il faudroit peindre un Cromwel : car les Scélérats ont leur héros comme les gens vertueux. N’eſt-il pas vrai que Cartouche n’eſt comparable dans l’étendue de ſes vûes & de ſes projets ni à Catilina ni à Cromwel ; ce miſérable cependant occupoit un degré ſupérieur parmi les Scélérats de ſa clasſe, ce qui a fait dire à le Grand, ces deux vers dans le Poëme héroï-comique dont