moment de l’équité. La compaſſion ſeule eſt la maitreſſe de toute ame ſenſible en pareil cas. On vomit des imprécations contre l’exécuteur & l’on a plus d’un exemple que ſans autre intérêt, des étourdis, quoique bien inſtruits des crimes du patient, ont eu la témerité de détourner de deſſus ſa tête le glaive de la Juſtice : d’où vient ce ſentiment ? C’eſt qu’alors on ne voit que le malheur du criminel, & qu’on ne voit pas ſon crime. Mais quel horreur n’aura-t-on pas pour un Scélérat protégé ou puiſſant, qui après s’être impunément ſouillé de tous les crimes, aura néanmoins été aſſés bien ſervi en Cour pour en ſortir blanc & net, & pour obtenir même un poſte éclatant du haut du quel il inſulteroit à la probité, braveroit les loix, opprimeroit les foibles & les innocens : un tel homme ſeroit d’autant plus odieux à tout le monde qu’il jouïroit tranquilement de ſes forfaits, & qu’il ſeroit heureux au ſein du crime, ceux qui ſe ſeroient attendris pour lui en le voyant conduire au ſupplice, deviendroient eux mêmes ſes bourreaux, au moment qu’ils le voyent heureux.
Les grands Auteurs qui ſçavent cela ne riſquent donc rien de violer avec diſcernement la regle établie de faire triompher la Vertu & de punir le Vice, parce qu’ils s’impoſent alors celle de rendre leur perſonnage ſi odieux, qu’il réſulte de ſa félicité une horreur plus vive pour les crimes qui la lui ont procurée.
Voilà ce que d’habiles gens, des connoiſ-