Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/95

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vous déclare donc que bien loin de croire que le bien public m’autoriſe à critiquer les ouvrages de M. de Voltaire, je le regarderai toute ma vie comme un maître éclairé à qui je dois le peu de talens qu’on à la bonté de reconnoître en moi, que je le regarde comme un ami dont le cœur eſt fermé à tout ce qui pouroit altérer ſes ſentimens en faveur de ceux qui s’y font donné place, comme un protecteur moins attentif à ſes intérêts qu’à ceux des perſonnes qu’il protege, comme un pere aux ſoins & à la tendreſſe de qui j’ai l’obligation de n’être plus dans les chaines de la finance, & à qui je dois l’avantage de pouvoir vivre avec l’aiſance que les talens procurent à ceux qui les exercent, quand je ſerai devenu ſage, & que quand bien même je verrois malheureuſement aſſés clair pour trouver quelque faute capable d’altérer tant ſoit peu le plaiſir ou plûtôt le raviſſement que j’éprouve quand je lis ou que je vois repréſenter ſes ouvrages, je ne m’en impoſerois pas moins la loi de les deffendre envers & contre tous.

Le beau deffenſeur, allez vous dire, un Pigmée deffendre Hercule ! eh pourquoi non, s’il vous plait ? Vous qui n’êtes pas plus grand que moy, vous avez bien oſé l’attaquer.

Souvenez vous de la fable de la Colombe & de la Fourmi, je ne ſuis pas tout à fait comparable à la Fourmi, j’en conviens ; mais auſſi vis à vis de M. de Voltaire, n’êtes vous pas comparable au Chaſſeur qui étoit ſur le point de tuer la Colombe ? Vos traits ſeront toujours