Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/121

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duire d’autre effet. Quand Alceſte en colere dit ſans réflexion une pointe, elle fait rire préciſement parce que l’intention d’Alceſte n’eſt pas de faire rire & ſa boutade, ſon ton, la circonſtance, ſon geste & l’impromptû font de ſa pointe un très bon mot.

C’eſt d’ailleurs unir l’exemple au précepte, de même qu’Horace & Deſpréaux ont fait dans leur art Poëtique.

Et de ſon dur marteau martellant le bon ſens, eſt un vers très dur mis exprès pour apprendre aux jeunes Poëtes à n’en pas faire. Moliére en mettant une pointe dans la bouche du Miſantrope leur apprend par elle, dans quelle circonſtance & avec quels accompagnemens elle peut devenir un bon mot. C’eſt une choſe que les ſeuls gens de goût ſont capables de ſaiſir ; mais vous nous avez averti que le goût n’eſt pas de vôtre goût.

Morbleu, vil complaiſant, vous louez des ſottiſes. Ce vers eſt une boutade très bien placée dans la bouche d’un bouru & j’avoüe qu’une pointe iroit mal après elle : mais ce que vous appellez une pointe paroit aux autres une ſeconde boutade toute auſſi cauſtique mais plus plaiſante que la premiere, & qui peut fort bien, ſans faire tort à la Vertu garder la place qu’elle occupe.

Que vous la rendriez haïſſable cette Vertu, ſi vous étiez ſon ſeul Prédicateur ! Vous croiriez la faire parler naturellement, quand tout le monde lui trouveroit la groſſiereté des halles & la brutalité des Porte-faix. Molière l’enten-