Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/82

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il a honnoré aſſés mal à propos la mémoire de ce coquin.

Heureux ſi ſon grand cœur déteſtant l’injuſtice,
Eut fait pour la Vertu ce qu’il fit pour le Vice !

Loin donc que conformément à l’hiſtoire M. de Crebillon ait eu tort de repréſenter Catilina éloquent, ferme & courageux, c’eſt au contraire par l’abus de ces grandes qualités qui ne ſont pas des vertus, qu’il cherche à le rendre, & qu’il le rend en effet plus odieux aux Spectateurs Brutus dans la mort de Céſar, reproche à celui-ci jusques à ſes vertus

Qui de ſes attentats ſont en lui des complices.

Si l’on admire le courage de Catilina quand il entre au Sénat, le Spectateur bien inſtruit qu’il va mentir, ne voit en lui qu’un Scélérat déteſtable qui abuſe de ſon éloquence, pour perſuader tout ce qui peut opérer le ravage de Rome, la hauteur & l’inſolence qu’il affecte & qui ſuspendent l’arrêt de ſa mort, font regreter qu’il ne ſoit pas prononcé. C’eſt moins du courage qu’il montre alors que l’effonterie du Vice qui n’a plus de reſſource que l’impudence. Ce n’eſt point la grandeur d’ame qui le porte à ſe donner la mort, c’eſt le déſespoir, c’eſt la rage de n’avoir pas réusſi dans ſon affreux projet, ſituation de ſon cœur qu’il peint ſi bien dans les derniers vers qu’il prononce en faiſant encore un effort pour poignarder quelqu’un :