Je tournai à main droite, et je pensai à l’autre pôle, et je vis quatre étoiles [1] que nul ne vit jamais, hors la race première.
Le ciel semblait se réjouir de leur flamme. O Septentrion vraiment veuf, privé que tu es de les contempler !
Lorsque j’eus cessé de les regarder, me tournant un peu vers l’autre pôle [2], où déjà le chariot avait disparu, je vis près de moi un vieillard seul [3], digne, à le voir, de tant de révérence, que plus à son père n’en doit aucun fils. Il avait une longue barbe, mêlée de poils blancs, comme les cheveux, desquels sur la poitrine tombait une double tresse. Les rayons des quatre saintes étoiles ornaient tellement sa face de lumière, que je la voyais comme si le soleil eût été devant.
« Qui êtes-vous, vous qui, à l’opposé du sombre fleuve, avez fui l’éternelle prison ? dit-il en agitant sa barbe vénérable. Qui vous a guidés ? Qui a été votre lampe, en sortant de la profonde nuit, qui toujours obscurcit la vallée infernale ? Les lois de l’abîme sont-elles ainsi violées ? Ou, dans le ciel, a-t-on changé de conseil, que condamnés, vous veniez dans mes grottes ? » Mon Guide alors me prit la main, et ses paroles, ses mains, ses signes, disposèrent au respect mes jambes et mes yeux. Ensuite il répondit : « Je ne suis pas venu de moi-même. Du ciel descendit une Dame, dont les prières obtinrent à celui-ci le secours de ma compagnie. Mais puisque ton vouloir est que plus amplement te soit expliqué ce que vraiment nous sommes, le mien ne peut être de te refuser. Celui-ci ne vit jamais le dernier soir ; mais par sa folie il en fut si près, que bien peu de temps il lui restait pour échapper. Comme je l’ai dit, vers lui je fus envoyé pour le délivrer, et il n’était pas d’autre route que celle que j’ai prise. Je lui ai montré toute la gent mauvaise, et maintenant je me propose de lui montrer les esprits qui se purifient sous ton commandement. Comment je l’ai guidé serait long à te dire : d’en haut