Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


CHANT DEUXIÈME


Le jour baissait, et l’air obscurci délivrait de leurs fatigues les animaux de la terre ; et moi seul je me préparais à soutenir les épreuves du chemin et de la pitié [1], que retracera ma mémoire qui n’erre point [2].

O Muse, esprit sublime, maintenant aide-moi ! ô mémoire, qui en toi as gravé ce que je vis, ici paraîtra ta noblesse.

Je commençai : — Poète qui me guides, avant de m’engager dans ce difficile passage, regarde si ma force est assez puissante. Tu dis que l’ancêtre de Silvius [3], corruptible encore, alla vers le siècle immortel, et y rentra revêtu du corps. Si l’ennemi de tout mal [4], contemplant les hautes destinées renfermées en lui, qui et quel il était, lui fut propice, rien en cela ne paraît indigne à l’homme d’intelligence [5], à l’égard de celui qui de l’auguste Rome et de son empire fut élu père dans le ciel ; l’un et l’autre, à dire vrai [6], furent établis pour être le lieu saint où siège le successeur du grand Pierre.

Durant ce voyage dont tu le glorifies [7], il entendit des choses qui furent cause de sa victoire et du manteau papal. Puis le vase d’élection [8], monta au ciel pour en rapporter un nouvel appui à cette foi, principe de la voie du salut.

  1. Les fatigues du chemin, et les angoisses de la pitié que lui inspireront les tourments qu’il verra.
  2. Qui représente fidèlement les choses vues.
  3. Énée.
  4. Dieu.
  5. L’homme d’intelligence comprend qu’il n’y a rien qui ne soit digne de la Sagesse suprême.
  6. Ces mots indiquent le but final des faveurs accordées à Énée, et de tout ce qui fut accompli par lui à savoir, l’établissement futur du Siège apostolique. « Rapporté à ce but, rien qui ne se comprenne, dit le Poète, rien qui ne soit digne de Dieu. »
  7. La descente d’Énée aux Enfers, dans le sixième chant de l’Énéide.
  8. Saint Paul qui fut, comme il le raconte lui-même dans ses Épîtres, ravi au troisième Ciel.