CHANT DOUZIÈME
Côte à côte, ainsi que vont les bœufs attelés au joug, je m’en allais avec cette âme chargée, tant que le souffrit mon doux Maître. Mais quand il dit : « Laisse-le et avance, car il est bon qu’ici avec la voile et avec les rames, chacun pousse sa barque. » Je redressai mon corps comme il faut pour aller, bien que mes pensers demeurassent abaissées et tronqués [1]. Je marchais, et de mon Maître allègrement je suivais les pas, et combien nous étions agiles tous deux déjà nous montions, lorsqu’il me dit : « Tourne les yeux en bas ; il te sera bon, pour alléger la route, de voir sur quoi posent tes pieds. »
Comme, afin que d’eux on ait mémoire, sur les dalles des tombes est représenté ce que furent ceux qu’elles renferment ; d’où souvent se renouvellent les pleurs par le souvenir dont l’aiguillon stimule seulement les pieux : ainsi vis-je là, avec une plus vive ressemblance, couvert de figures selon l’art, tout ce qui, pour former une route, s’avance hors du mont [2].
Je voyais, d’un côté, celui qui fut créé plus noble qu’aucune autre créature [3], tomber flamboyant du ciel. De l’autre côté, je voyais Briarée [4], transpercé d’un trait céleste, gisant à terre, appesanti par le froid de la mort. Je voyais Tymbrée [5] ; je voyais Pallas et Mars encore armés, autour de leur père, contempler les membres épars des géants. Je voyais Nemrod, au pied de la grande structure [6], comme égaré, regardant ceux qui furent en Sennaar avec lui. O