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Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/180

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parmi vous ici est une âme Latine : peut-être lui sera-t-il bon que je la connaisse.

« O mon frère, chacune d’elles est citoyenne d’une vraie cité ; mais tu veux dire : qui dans l’Italie ait vécu pèlerine. »

Il me parut ouïr cette réponse d’un peu au-delà de l’endroit où j’étais, ce pourquoi je m’approchai encore pour entendre. Entre les autres je vis une ombre qui semblait en attente ; et si quelqu’un me demandait comment, suivant l’usage des aveugles, elle levait le menton. — Esprit, dis-je qui te mortifies pour monter, si tu es celui qui m’a répondu, fais-toi connaître à moi, ou par le lieu ou par le nom. « Je fus de Sienne, répondît-il, et avec ces autres je me purifie de ma vie mauvaise, demandant avec larmes que se donne à nous celui que nous implorons. Sage ne fus, quoique Sapia je fusse nommée [1], et plus de joie beaucoup j’eus du mal d’autrui, que de mon propre bien. Et afin que tu ne penses pas que je te trompe, écoute si, comme je te le dis, je fus insensée. Déjà je descendais la pente de mes ans, et mes concitoyens étaient, près de Colle, aux prises avec leurs ennemis ; et je demandais à Dieu ce que, d’effet, il voulut. Là défaits, l’amère fuite précipita leurs pas, et voyant la chasse, j’en conçus une joie plus vive que toutes les autres joies, et si grande que je levai ma face hardie, criant à Dieu : « Désormais plus ne te crains [2] ! » comme fait le merle pour un peu de bonace [3]. Je voulus rentrer en paix avec Dieu, vers la fin de ma vie ; et encore par la pénitence ne serait diminuée ma dette, si de moi n’avait eu souvenir, dans ses saintes oraisons, Pierre Pettinagno [4],

  1. Il y a ici un jeu de mots assez froid sur les mots Savia et Sapia, Ce manque de goût est extrêmement rare chez Dante. Ayant été reléguée à Colle, Sapia prit en haine ses concitoyens, de sorte qu’elle se réjouit vivement de leur défaite dans un combat qu’ils livrèrent contre les Florentins.
  2. « Je ne crains rien de toi, maintenant que mon désir le plus ardent est accompli. »
  3. C’était une sorte de fable populaire, qu’un merle était en guerre avec janvier, pendant lequel il eut beaucoup à souffrir du froid, et qu’un peu de chaleur étant survenue, il dit à janvier : « Je ne te crains plus ; » d’où vient que les derniers jours de ce mois sont appelés « les jours du merle. »
  4. Ermite florentin, d’autres disent siennois.