Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/187

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stupeur me remplissaient les choses nouvelles : d’où, au-dessus de mes sourcils je levai les mains, et me fis une ombrelle qui diminuait l’excessive lumière.

Comme, lorsque de l’eau ou du miroir rejaillit le rayon, en direction contraire, remontant de la même façon qu’il est descendu, et, par son égale vitesse, différant de la pierre qui tombe [1], selon que le montrent l’expérience et l’art ; ainsi me parut-il que de devant me frappait une lumière réfléchie [2] ; par quoi, à fuir, mes yeux furent prompts.

— Qui est, dis-je, doux Père, celui contre qui ma vue ne peut trouver d’abri suffisant, et qui paraît s’avancer vers nous ? « Ne t’étonne point, si t’éblouissent encore les serviteurs célestes, me répondit-il : celui qui vient est envoyé pour nous inviter à monter. Bientôt voir ces choses ne te sera point une peine, mais un plaisir, autant qu’à le sentir ta nature te dispose.

Lorsque nous eûmes joint l’Ange béni, d’une voix joyeuse il dit : « Entrez par ici, dans un escalier beaucoup moins roide que les autres. »

Partis de là, nous montâmes, et derrière nous fut chanté Beati misericordes [3], et : « Toi qui vaincs, réjouis-toi [4] ! »

Mon Maître et moi, seuls tous deux, en haut nous allions, et en allant, je pensai à tirer profit de ses paroles ; et vers lui je me tournai, ainsi demandant : — Que voulait dire l’esprit de Romagne [5], en parlant d’ « exclusion » et de « compagnon » ?

Et lui à moi : « Il connaît le dommage que cause son plus

  1. En résumé, tout ceci signifie seulement que l’angle de réflexion est égal à l’angle d’incidence, et que la vitesse de la lumière est égale dans tous les sens : tandis que la pierre suit en tombant la direction perpendiculaire, et que sa vitesse n’est plus la même si elle s’en écarte.
  2. La lumière de Dieu, dont celle de l’Ange n’était que la réflexion.
  3. Bienheureux les miséricordieux ! Paroles de Jésus-Christ en saint Matthieu, ch. 5.
  4. Allusion, selon les uns, à ce qu’ajoute le Christ : Gaudete et exultate, quoniam merces vestra copiosa est in cœtis -. selon d’autres, à ce mot de saint Paul : Noli vinci à malo, sed vince in bono malum.
  5. Guido del Duca. Voy. ch. XIV.