Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/265

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tu fusses en bas demeuré, que si un feu libre restait en repos à terre. » Puis vers le ciel elle reporta ses regards.



CHANT DEUXIÈME


O vous qui, sur une frêle nacelle, désireux d’écouter, suivez mon vaisseau, qui chantant vogue, retournez vers vos rivages ; ne vous hasardez point dans l’Océan, où peut-être, me perdant, demeureriez-vous égarés.

La mer où j’entre jamais ne fut parcourue : Minerve m’inspire, Apollon me conduit, et les neuf Muses me montrent l’Ourse.

Vous, peu nombreux, qui de bonne heure avez levé la tête vers le pain des Anges, dont ici l’on se nourrit sans en être rassasié, bien pouvez-vous lancer votre navire sur la haute mer, en suivant le sillon que j’ouvre dans l’eau, qui soudain se referme.

Des héros qui passèrent à Colchos, moindre que ne sera le vôtre, fut l’étonnement, lorsqu’ils virent Jason devenu laboureur [1].

La soif innée et perpétuelle du royaume divin nous emportait avec une vitesse presque égale à celle du ciel. Béatrice regardait en haut, et moi je la regardais ; et peut-être en ce qu’il faut du temps pour qu’un trait soit posé, et se détache de la noix, et vole, je me vis arrivé où une chose merveilleuse attira mon regard : et lors celle à qui mon souci ne pouvait être caché, se tournant vers moi, aussi joyeuse que belle : « Élève, », me dit-elle, « ton esprit reconnaissant à Dieu, qui nous a conduits dans la première étoile [2]. »

  1. « Les Grecs qui allèrent à Colchos pour enlever la Toison d’or, ne furent pas si étonnés que vous le serez, lorsqu’ils virent Jason, après avoir dompté les bœufs qui jetaient du feu par les narines, labourer la terre pour y semer les dents du Dragon tué par Cadmus, desquels naquirent des hommes armés. »
  2. La Lune.