Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/289

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sommes si remplis, que, pour te plaire, un peu de repos ne nous sera pas moins doux [1]. »

Après qu’avec respect mes yeux se furent levés sur ma Dame, et qu’elle les eut rendus certains de son consentement, ils se retournèrent vers la lumière qui avait tant promis, et : — Dis, qui es-tu ? fut ma voix empreinte de grande affection.

Oh ! combien la vis-je se dilater et resplendir plus par l’allégresse nouvelle, qui, lorsque je parlai, accrut ses allégresses ! Ainsi rayonnante elle me dit : « Le monde jadis m’eut un peu de temps ; et si plus j’y étais demeuré, beaucoup de mal adviendra qui ne serait point advenu. A toi me celé la joie qui, rayonnant autour de moi, me cache comme l’animal enveloppé de sa soie [2]. Beaucoup tu m’as aimé, et avec grande raison ; car si en bas j’étais resté, je t’aurais de mon amour montré plus que les feuilles. Cette rive gauche que lave le Rhône après s’être mêlé avec la Sorgue, m’attendait dans le temps [3] pour son Seigneur, et cette corne de l’Ausonie, où s’élèvent les villes de Bari, de Gaëte, de Crotone, et d’où le Tronto et le Verdé [4] vont se dégorger dans la mer. Déjà sur mon front brillait la couronne de cette terre que le Danube arrose, après avoir abandonné les rives Tudesques. Et la belle Trinacrie, qu’entre Pachino et Peloro [5], au-dessus du golfe que tourmente principalement l’Eurus [6], obscurcit non Typhée, mais le soufre qui se forme [7], aurait, elle aussi, attendu ses rois, nés par moi de Charles et de Rodolphe [8], si une mauvaise seigneurie, qui toujours désespère les peuples sujets, n’eût pas poussé Palerme à

  1. « Que de continuer de tourner dans le cercle dont nous suivions le mouvement. »
  2. Comme le ver à soie dans son cocon.
  3. Lorsqu’on serait venu le temps.
  4. Le Garigliano, anciennement le Liris.
  5. Deux promontoires de la belle Trinacrie, ou de la Sicile.
  6. Le vent d’Est.
  7. Dans les profondeurs de l’Etna, sous lequel les anciens disaient que Typhée était enseveli.
  8. « Elle ne se serait pas donnée à Pierre d’Aragon, mais elle aurait reconnu pour ses rois légitimes les descendants de Charles Ier, mon aïeul, nés de lui par moi, et de l’empereur Rodolphe par sa fille Clémence, mon épouse. »