avant qu’on baptisât[1]. O prédestination, combien ta racine est éloignée de ces regards qui ne voient pas la première cause tota[2] ! Et vous mortels, soyez réservés à juger, puisque nous, qui voyons Dieu, nous ne connaissons pas encore tous les élus ; et cette ignorance nous est douce, parce que notre bien s’accroît de cet autre bien, que tout ce que Dieu veut, nous le voulons. »
Ainsi par cette image divine, pour rendre claire ma courte vue, me fut donnée une suave médecine. Et comme un bon chanteur un bon cithariste accompagne des vibrations de la corde qui augmentent le plaisir du chant, ainsi, pendant qu’elle parla, je me souviens que je vis les deux lumières bénies[3], comme de concert les yeux s’ouvrent et se ferment, à ses paroles mouvoir leurs flammes.
CHANT VINGT-ET-UNIÈME
Déjà mes yeux s’étaient de nouveau fixés sur le visage de ma Dame, et l’esprit avec eux, et en cet unique objet il était absorbé : et elle point ne rayonnait : « Mais si je rayonnais, me dit-elle, tu deviendrais tel que Sémélé lorsqu’elle devint cendre[4] ; car ma beauté qui, sur les degrés de l’éternel palais, brille, comme tu l’as vu, d’autant plus que plus l’on monte, tant resplendit, que si elle ne se tempérait, à son éclat ta puissance mortelle serait comme une feuille que brise la foudre. Nous sommes élevés à la septième splendeur[5] qui, sous l’ardente poitrine du Lion,
- ↑ La destruction de Troie précéda, de plus de mille ans, la venue de Jésus-Christ.
- ↑ Tout entière.
- ↑ Riphée et Trajan.
- ↑ Junon, jalouse de Séméné[sic], lui persuada de demander à Jupiter, dont elle était aimée, de se montrer à elle dans toute sa majesté ; et l’ayant obtenu, les foudres du dieu la réduisirent en cendres.
- ↑ La septième planète, Saturne, où Dante place les contemplatifs.