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Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/90

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CHANT VINGT-QUATRIÈME


À cet âge du jeune an, où le soleil, sous le Verseau, tempère ses rayons, et où déjà la nuit est égale au jour, quand la gelée matinale reproduit sur la terre, mais pour peu de moments, l’image de sa blanche sœur [1], le villageois à qui le fourrage manque se lève, et regarde, et voit toute la campagne blanchir, et se frappant le flanc il rentre dans sa cabane, et de ça et de là, va se plaignant comme le pauvret qui ne sait que faire ; puis il retourne, et sent renaître l’espoir, voyant qu’en peu d’heures la terre a changé de face, et prenant sa houlette, il chasse les brebis dehors à la pâture ; ainsi m’effraya le Maître, lorsque je vis son front si troublé, et aussi vite au mal vint le remède.

Mon Guide, quand nous arrivâmes au pont rompu, s’étant tourné vers moi avec cette douce contenance qu’en lui premièrement je vis au pied du mont, ouvrit les bras, et, après avoir un peu tenu conseil en lui-même, regardant bien d’abord la ruine, il me prit ; et comme celui qui agit avec précaution, et semble à tout penser d’avance, ainsi, me levant vers la cime d’une grosse roche, et avisant un autre rocher, il me dit : « Accroche-toi ensuite à celui-là ; mais auparavant essaye s’il peut te porter. »

Ce n’était pas un chemin pour un damné vêtu de chape de plomb, lui léger, et moi poussé, nous pouvions à peine monter de pierre en pierre ; et n’eût été que de cette enceinte plus que de l’autre la côte était courte, lui, je ne sais, mais moi j’aurais été vaincu.

Mais, comme tout le Malebolge penche vers l’entrée du plus bas puits, de chaque vallée la structure est telle, qu’une côte monte et l’autre descend : nous, cependant, nous parvînmes

  1. La blanche sœur du Soleil, la Lune.