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INTRODUCTION.

lueur du glaive et de l’incendie. Le monde se crut près de sa fin. Les destructions matérielles, toujours réparables, ne furent que le moindre des fléaux. Tout périt ensemble, propriété, lois, institutions, éducation, sciences, arts, métiers, langue même. Il fit nuit sur la terre. Et dans cette nuit, que voit-on ? Tout ce que la violence sans frein, la cruauté, la perfidie, le mépris calculé des engagements et des serments peuvent enfanter de crimes, des mœurs à la fois grossières et dissolues, différentes seulement de celles qu’elles remplaçaient en ce que rien n’en voilait la hideuse monstruosité.

Quelquefois appelés par les évêques afin de les opposer à des sectes ennemies, les barbares sentirent que cette alliance leur serait un puissant moyen d’affermir leur conquête. Indifférents à toute doctrine, faiblement attachés aux cultes vagues qu’ils apportaient du fond de leurs forêts, ils adoptèrent sans peine la religion des vaincus. D’instruction, point : qu’en eussent-ils fait, également incapables d’écouter et de comprendre ? Le chef converti, c’est-à-dire déclarant qu’il changeait de dieu, les autres suivaient son exemple : on menait ces brutes au baptême, comme des troupeaux à l’abreuvoir. Tels ils étaient auparavant, tels ils restaient, féroces, fourbes, cupides, sensuels. La société entière se transforma à leur image. Plus d’études, plus de pensée hors du cercle des choses matérielles ; à peine dans les