Page:Dante - La Divine Comédie, traduction Lamennais volume 1, Didier, 1863.djvu/470

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
460
L’ENFER.

7. J’entendis qu’on me disait : « Prends garde comment tu passes, et à ne point fouler les têtes des pauvres misérables frères [5]. »

8. M’étant retourné, je vis devant moi, au-dessous de mes pieds, un lac qui, à cause du gel, ressemblait plus à du verre qu’à de l’eau.

9. Ni le Danube chez les Autrichiens, ni le Tanaïs, sous le froid ciel, ne cachent en hiver leur cours sous un voile aussi épais,

10. Qu’épaisse était la croûte de ce lac : dessus serait tombé le Tambernicchi [6], ou la Pietrapana [7], que les bords mêmes n’auraient pas craqué.

11. Et comme pour coasser se tient la grenouille, le museau hors de l’eau, alors que souvent la villageoise songe qu’elle glane,

12. Livides jusque-là où se peint la honte, étaient les ombres dolentes dans la glace, claquant des dents comme craquètent les cigognes.

13. Chacune tenait le visage baissé : la bouche, du froid, et les yeux, de la tristesse du cœur, en elles rendent témoignage.

14. Après qu’autour mes regards eurent un peu erré, à mes pieds je les arrêtai ; et j’en vis deux tellement serrés, que se mêlaient les poils de la tête.