lerai souvent, maudits yeux
dont la mort seule devait arrêter les larmes. Et, quand j’avais ainsi
parlé à mes yeux, mes soupirs m’assaillaient encore plus grands et plus
angoissans. Et afin que cette bataille, que je me livrais ainsi à
moi-même, ne demeurât pas connue seulement du malheureux qui la
subissait, je voulus en faire un sonnet qui décrivît cette horrible
situation.
Les larmes amères que vous versiez[1],
Ô mes yeux, depuis si longtemps,
Faisaient tressaillir les autres
De pitié, comme vous l’avez vu.
Il me semble aujourd’hui que vous l’oublieriez
Si j’étais de mon côté assez lâche
Pour ne pas chercher toute raison de venir vous troubler
En vous rappelant celle que vous pleuriez.
Votre sécheresse me donne à penser.
Elle m’épouvante tellement que c’est de l’effroi que me cause
Le visage d’une femme qui vous regarde.
Vous ne devriez jamais, si ce n’est après la mort,
Oublier notre Dame qui est morte.
Voilà ce que mon cœur dit ; et puis il soupire[2].
|
- ↑ L’amaro lagrimar che voi faceste…
- ↑ Commentaire du ch. XXXVIII.