Page:Dante Alighieri - La Vie nouvelle, traduction Durand Fardel.djvu/44

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enfance (puerizia) je m’en allais souvent chercher après elle. Et je lui voyais une apparence si noble et si belle que certes on pouvait lui appliquer cette parole d’Homère. « Elle paraissait non la fille d’un homme mais celle d’un Dieu[1]. »

Et, bien que son image ne me quittât pas, m’encourageant ainsi à me soumettre à l’Amour, elle avait une fierté si noble qu’elle ne permit jamais que l’Amour me dominât par delà des conseils fidèles de la raison tels qu’il est si utile de les entendre dans ces sortes de choses. Aussi, comme il peut paraître fabuleux que tant de jeunesse ait pu maîtriser ainsi ses passions et ses impulsions, je me tairai et, laissant de côté beaucoup de choses qui pourraient être prises là d’où j’ai tiré celles-ci[2], j’en arriverai à ce qui a imprimé les traces les plus profondes dans ma mémoire.

  1. C’est d’Hélène passant devant la foule qu’Homère parlait ainsi.
  2. C’est-à-dire de mon esprit.