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CONTES DE NOËL

taient là, grelottants sous la bise, balbutiant des mots qui s’étouffaient dans leur poitrine, lamentant leur destin, envoûtés quand même par leur grand amour et plus que jamais donnés l’un à l’autre.

Puis, certain matin, une nappe blanche couvrit la campagne, annonçant l’hiver proche, les froids intenses, les poudreries, les routes impraticables, les traces que les pas laissent dans la neige : — l’hiver, où ces visites même seraient impossibles. Leur problème alors se dressa, pressant et cruel. Ils se creusaient l’esprit sans aboutir à rien, tournaient cent fois autour des mêmes barrières. — « Alice, disait Laurent, si je suis fait pour ta malchance, vaut mieux que je m’en aille et que je porte mon chagrin tout seul. » — Mais elle protestait : « Non, pas ça : je vivrais pas sans toi ; jamais je pourrais en aimer un autre. »

Et peu à peu un plan, né de leur désespoir, se formait, s’infiltrait en eux. S’ils secouaient ces chaînes injustes, s’ils s’évadaient ensemble, et si, malgré tout le monde, ils gagnaient le droit de s’appartenir ! C’était la fille qui, dans une crise de larmes, avait jeté cette suggestion. Elle faisait son chemin ; ils arrivaient à en parler comme d’une contingence probable. « Vois-tu, disait Lau-