Page:Dantin - Contes de Noel, 1936.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
RÉRI

infusa dans du lait de palmier. Elle en lava Réri, avec une psalmodie d’incantations plaintives. Puis, apercevant la poupée qu’on avait dressée sur un meuble : « Quelle est celle-ci ? » demanda-t-elle. On lui expliqua l’artifice qui avait si longtemps consolé la petite lépreuse. Elle saisit la poupée, l’assit sur ses genoux, et ses yeux prirent soudain une expression féroce : « Tu es Réri ? » dit-elle ; « c’est bien, tu es Réri ; tu n’es plus toi, tu es Réri, toute Réri, entends-tu ? » Et en même temps elle la piquait d’une longue aiguille par tout le corps. Puis elle la jeta rudement sur le sol de la case. « Vous la mettrez comme d’habitude, dit-elle, à votre porte la nuit de Noël. » Et elle s’en alla sans un mot de plus.

Ce rite étrange les laissa tous inquiets, dans un effroi vague, et sans espoir bien défini. L’enfant n’en fut pas réconfortée. Je ne sais comment l’incident vint aux oreilles du père missionnaire. Il avait bien souvent prêché contre le recours aux sorciers, et fut peiné qu’on eût transgressé sa défense. Il fit mander les parents de Réri, et leur reprocha leur superstition. « S’il est, dit-il, un pouvoir capable de guérir votre fille, ce n’est pas celui des démons qu’invoquent les tahutahus. Priez le Dieu du ciel, seul bon et tout-puissant. Faites une neuvaine d’ici Noël, et faites brûler un cierge à la Mère de Jésus. Si votre foi est assez vive, elle peut obtenir