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Page:Dantin - Contes de Noel, 1936.djvu/67

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CONTES DE NOËL

elle ne t’a pas tendu la main ? Alors, tu comprends, le sentiment que j’ai pour elle, ce n’est pas de l’amour ; mais c’est une sympathie très douce : le culte qu’on aurait pour un être lointain, presque idéal, tombé des astres. Cette miraculée, pour moi, n’est pas une femme pétrie d’argile. Je me demande souvent si sa chair n’est pas illusoire ; si un fantôme subtil, ou une nouvelle poupée animée et charmante, ne remplace pas la lépreuse Réri. J’aurais peur, si je la touchais, de faire évanouir un rêve. Mais nous sommes excellents amis. Je l’instruis un peu, je l’amuse, et quelquefois je la protège. L’autre jour j’ai étendu raide un répugnant Chinois qui voulait l’engager pour sa maison de thé. Elle-même paraît m’être attachée ; elle me suit dans mes promenades ; une fois nous sommes allés ensemble jusqu’aux chûtes de Fautaua, une randonnée de quatorze heures. Je t’avoue qu’elle occupe ma vie, qu’elle y met un rayon intime qui achève de me gagner aux enjôlements de ce sol. J’ai des aventures passagères avec d’autres vahinés : mais celle-là !…

Nous revenions maintenant, sans plus discourir, par les sentiers bordés de mousses, tandis que tombait autour de nous, sur la forêt et sur la mer, la majesté de la nuit