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CIV
INTRODUCTION.

absolues, substantielles, indépendantes de Dieu, puis une matière nécessaire, éternelle, et qui échappe ainsi à toute action divine. Le second, moins irréprochable encore que son maître, fait à Dieu je ne sais quelle activité solitaire et égoïste qui met en mouvement un monde qu’elle n’a pas produit, qu’elle régit sans le connaître, et sur lequel pèse ainsi la loi d’une aveugle et invincible fatalité.

Quant au dogme de la Trinité qui complète la notion catholique de Dieu, Aristote n’a pas un seul mot qui semble y faire même une lointaine et obscure allusion. C’est gratuitement aussi, selon nous, qu’on prétendrait qu’à la lueur de l’enseignement traditionnel, Platon aurait entrevu le mystère capital de notre foi : l’incertitude des commentateurs qui sont loin de s’accorder sur l’essence et la constitution intime de la trinité platonique, la discussion des textes qu’on allègue ne permettent guère de penser que le philosophe athénien ait été mieux instruit sur ce point important que tous ses contemporains. Ensuite les philosophes alexandrins, qui s’agitaient dans l’indépendance de leur raison, pour créer un système de doctrines qui pût être opposé au symbole chrétien, et commander l’assentiment de l’univers, ont-ils obtenu plus de succès ? Les conquêtes scientifiques qu’ils ont faites doivent-elles inspirer aux hommes de foi, et à saint Denys en particulier, le regret de n’avoir exercé leur activité intellectuelle que dans les limites de la croyance catholique ? Il ne paraît pas. La théorie des attributs divins, telle qu’on peut la déduire des Ennéades de Plotin et des écrits de Proclus, les deux plus illustres représentants de l’école d’Alexandrie, est-elle plus élevée, plus pure, plus complète que celle de saint Denys ? Cette unité primordiale, source et terme de toute réalité, n’est-elle pas trop semblable, dans l’éternelle inertie qu’on lui prête, au Saturne enchaîné de la mythologie grecque, au Brahm des Indous, au Bythos des Gnostiques ? Qu’est-ce que cette triade imaginée pour faire concurrence à la Tri-