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INTRODUCTION.

essentielle bonté de Dieu a voulu opérer le salut de tous les hommes ; que Dieu n’est pas, ne peut pas être l’auteur du mal, et qu’ainsi ceux-là périssent, qui ont négligé de prendre les moyens de se sauver[1].

Il est vrai que les noms de saint Denys et de Jean de Damas ne purent se protéger par leur force propre, et il faut rechercher dans les malheurs de l’empire le principe de la stérilité qui frappa la doctrine de ces grands hommes. Durant deux cents ans, le trône fut occupé par des espèces de fous cruels, qui ne pouvaient ni maintenir la tranquillité au dedans, ni faire honorablement la guerre au dehors, et qui, pour se venger sans doute de cette impuissance ignominieuse, commandaient à l’Église en tyrans, s’immisçaient dans les discussions théologiques, et décapitaient ceux que la logique impériale trouvait invincibles. Ce gouvernement brutal et sanguinaire devait nécessairement empêcher l’apparition et le développement des idées nobles et des sentiments généreux, comme, dans une atmosphère lourde, les plantes se flétrissent et meurent d’étiolement. L’hérésie des iconoclastes, destructive comme tout ce qui est opposé à la vérité, combattait les arts aussi bien que le dogme catholique ; et cette guerre contre les symboles devait réagir sur la philosophie religieuse dont ils représentaient une face. Si l’on joint à ces causes les fréquentes agressions des Barbares, et en particulier le voisinage inquiétant des Turcs, dont le cimeterre semblait toujours levé sur Constantinople, on comprendra la décadence des arts, des sciences et de la philosophie. Même les défenseurs-nés de la vérité furent souvent infidèles à leur mission ; il y eut des moines, des prêtres et des évêques qui ne furent pas meilleurs que les princes ; et quand Photius, consommant le schisme longtemps préparé, eut privé l’Orient de la sève du catholicisme et de la vivifiante protection des papes, l’Église grecque, en perdant la vraie charité qui

  1. Joan. Damasc. de Fide Orthod., lib. iv.