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XXIII
INTRODUCTION.

tes posées par la tradition ; et cette sorte d’interdit jeté sur les vérités les plus augustes de l’Évangile, ne se levait qu’en faveur des initiés, comme nous l’apprennent saint Ambroise[1], saint Cyrille de Jérusalem[2], saint Basile[3], saint Grégoire de Nazianze[4], saint Jean Chrysostome[5], et saint Augustin[6].

Et en cela, la philosophie, et surtout l’Église, avaient de graves raisons, qui subsistent en tout état de choses, et qu’on pourrait se rappeler utilement plus d’une fois dans la vie. Il y a tels esprits qui blasphèment ce qu’ils ne comprennent pas ; il y a tels cœurs qui ne battent jamais que pour ce qui est ignoble ; il y a tels gens que vous faites rire quand vous leur parlez le langage d’une conviction ardente et profonde. C’est ce qu’observent et développent les auteurs cités plus haut. C’esi ce que comprit saint Denys, élève à la fois de la philosophie et du christianisme. Il pratiqua sans doute le commandement qu’il fait à Timothée[7], et pour employer son langage ou plutôt celui de la Bible, il se garda de jeter aux pieds des pourceaux la beauté des perles spirituelles. Il dut donc songer à dissimuler sa pensée, surtout dans un écrit que des circonstances qu’il était permis d’appréhender, amèneraient sous les yeux des païens ; il s’enveloppa d’une obscurité préméditée, laissant au voile assez de transparence pour l’édification des intelligences fidèles, et assez d’épaisseur pour que les profanes ne pussent devenir indiscrets. C’est pourquoi ses livres rappellent en certains endroits ces passages énigmatiques des anciens philosophes qui n’invitaient pas indistinctement tous les hommes au banquet de leur doctrine, et ces religieux discours de nos docteurs, où la vérité, comme si elle craignait le regard irrespectueux d’un esprit mal préparé, se réfugie avec ses splendeurs dans une sorte de ténébreux sanctuaire.

  1. De Mysteriis, et alibi.
  2. Cateches. 6e.
  3. De Spiritu sancto.
  4. Oratio 35e et 42e.
  5. Homil. 18, in 2 ad Cor.
  6. In Joan., Tract. 2, et alibi.
  7. Eccl. hierarch., cap. I.