Page:Darboy - Œuvres de saint Denys l’Aréopagite.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XXVII
INTRODUCTION.


l’objection qu’on voulait nous faire est nulle ; en cas de négative, on aurait prouvé qu’il ne s’est pas tenu dans les strictes limites de la bienséance alors reçue. Mais comme un livre ne doit pas être nommé authentique, par cela seul que les lois de la politesse y sont observées, de même il ne peut être réputé apocryphe, par cela seul qu’elles y seraient enfreintes.

Ensuite est-il vrai que le terme critiqué impliquât toujours l’idée de protection et de supériorité que nous y attachons aujourd’hui ? Nous ne le croyons pas : car, dans la primitive Église, tous les chrétiens étaient appelés enfants, à raison de l’ingénuité et de la douceur de leurs mœurs ; et pour la même raison, les évêques et les autres ministres de l’autel recevaient le titre d’enfants sacrés : παῖδες ἱεροὶ. Le prêtre Clément d’Alexandrie dit à tous les fidèles et conséquemment aux évêques : Ô enfants, notre Maître est semblable à Dieu son Père[1] ! Et c’est ainsi que parle le Seigneur lui-même ; car il demande que nous soyons des enfants[2], et il nomme enfants ses disciples chéris[3]. Or, pourquoi saint Denys aurait-il méconnu ou dédaigné ce profond et pieux langage ?

En second lieu, l’apparition du mot ὑπόστασις dans les œuvres de saint Denys semble au premier coup d’œil créer pour notre opinion une difficulté d’autant plus grave, qu’elle se recommande de l’érudition d’un homme distingué, le P. Morin. Il s’est plu à l’étayer de citations nombreuses ; et, du haut de ces textes amoncelés, et sous la protection d’un nom glorieux, l’objection a l’air de braver toute critique ultérieure[4]. Cependant il est permis de discuter les raisons alléguées par le savant Oratorien. Il est bien vrai qu’à l’époque où nous plaçons saint Denys, l’expression dont il s’agit n’avait pas encore reçu du suffrage de l’Église entière une sorte de consécration ; il est vrai aussi qu’elle ne fut solennellement accréditée et n’entra dans

  1. Pædag., lib. i, cap. 2.
  2. S. Luc., 18, 17.
  3. Joan., 21, 5.
  4. De Ordinat., part. ii, cap. 6.