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CHAPITRE IV.


duit aucun être, et qu’il tend au contraire à vicier et à corrompre la nature des choses. Si l’on ajoute qu’il est fécond en ce que, par l’altération d’une substance, il donne l’être à une autre substance, nous répliquerons, avec vérité, qu’en tant qu’il est corruption et mal, il ne produit pas, mais plutôt dégrade et ruine, et que le bien seul est un principe d’existence. Ainsi, de lui-même le mal est destructeur, et il n’est fécond que par le bien : tellement que, de sa nature, il n’est rien ni auteur de rien, et qu’il doit à son mélange avec le bien et d’exister, et d’avoir et de produire quelque chose de bon. De plus, ce n’est point sous le même rapport qu’une chose sera bonne et mauvaise à la fois ; la faculté de produire et d’altérer ne sera point identique, et ne s’exercera pas indépendamment du sujet où elle réside. Le mal absolu n’a donc ni être, ni bonté, ni fécondité, et n’engendre aucun être, et ne produit aucun bien. Au contraire, le bien, là où il est en un degré supérieur, opère des choses parfaites, pures de tout mal et de corruption ; là où il existe à un moindre degré, il n’opère que des choses imparfaites, le mal s’y rencontrant précisément parce qu’il y a privation de bien. Ainsi le mal n’est pas un être, il n’est ni bon ni bienfaisant ; mais toute chose est d’autant meilleure ou pire qu’elle est plus ou moins proche du souverain bien. Car l’infinie bonté, à qui nulle existence ne demeure étrangère, ne se communique pas seulement aux augustes natures qui l’environnent, mais elle s’incline jusqu’aux plus humbles substances, présente aux unes en un degré supérieur, à d’autres avec moins de perfection, aux dernières enfin d’une façon moins relevée encore, présente à toutes selon leur capacité respective. En effet, celles-ci jouissent pleinement du bien suprême, celles-là en