Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

petits yeux gris de fer qui se cachent derrière des lunettes d’or, une bouche édentée où sautille un bout de langue violâtre, et un nez énorme, cassé en deux, en forme de potence, et picoté comme un dé à coudre.

Ce nez m’avait déjà stupéfait, chaque fois que j’avais rencontré le monsieur aux lunettes d’or ; mais je croyais à un accident ; je supposais que le monsieur avait fourré son appendice nasal dans un nid de guêpes. Je me trompais. Ce nez est extraordinaire, mais il est naturel. Il y a de drôles de choses dans la nature.

― C’est un nez d’Israélite, me dit mon père, le soir. M. Zabulon Hoffner est israélite.

― Ah ! c’est un Juif !

― Un Israélite ! Il ne faut jamais dire : Juif. C’est très impoli.

― Ah !… Il a un nom allemand.

― C’est possible, fait mon père, mais il n’est pas Allemand. Il est Luxembourgeois. Ce n’est pas la même chose. Du reste, il s’est montré fort complaisant. Je le connaissais très peu, et il s’est chargé de me procurer un sauf-conduit pour Catherine. Il a certaines relations dans les bureaux… il sait parler l’allemand.... Enfin, je suis enchanté d’avoir fait