je prenne part à un exercice, que j’assiste à une revue, que, pendant le travail, j’essuie mon front mouillé de sueur, l’injure pleut sur moi.
— Ils te cherchent, m’a dit Queslier. Ta figure ne leur revient pas, probablement. Ils veulent trouver un prétexte pour te mettre en prison et pour t’envoyer de là au conseil de guerre. Ne dis rien, ne réponds rien.
Je ne réponds rien. J’avale silencieusement les outrages, je ferme l’oreille aux provocations. C’est dur, tout de même ; je ne sais pas si j’aurai le courage de supporter cela pendant les trente-quatre mois que j’ai encore à faire. J’ai beau me répéter qu’on n’est jamais sali que par la boue et que ces gens qui s’acharnent lâchement sur moi sont des brutes et des canailles…
Ah ! oui, des brutes et des canailles, ces sous-officiers et ces caporaux aussi dénués de cœur que d’intelligence, ces hommes qui demandent à aller exercer contre ceux qu’ils devraient considérer comme leurs frères, des soldats comme eux, le métier de garde-chiourme ! Quelle vie ignoble et vile ils mènent ! comme ils devraient trouver triste leur existence, s’ils savaient s’en rendre compte ! Haïs, méprisés, se jugeant peut-être méprisables, ils font ce qu’ils peuvent pour se venger de ce dédain et de ce dégoût qu’ils sentent peser sur eux. Rien ne leur coûte pour cela. Ils ne reculent ni devant les brutalités, ni devant les mensonges, ni devant les provocations, ni devant la calomnie. Il n’est pas de moyen qu’ils n’emploient, il n’est pas de manœuvre basse et vile à laquelle ils ne se livrent pour arriver à avoir raison d’un individu qui ne se plie pas à toutes leurs