Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/118

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grand ou de petit équipement. Je compte sur vous. Il faut être sans pitié. »


Il n’a pas prêché dans le désert, l’impitoyable. La revue a été terrible. Les chaouchs, lâchés comme des chiens auxquels on a enlevé leur muselière et à qui on a ordonné de mordre, vous demandaient compte des poils d’une brosse et des clous des godillots. Malgré leur zèle, ils étaient obligés de constater que rien ne manquait. Ils avaient envie d’en pleurer, les Corses surtout, cette race immonde qui n’a jamais su choisir qu’entre le couteau du bandit et le sabre du garde-chiourme. Dans leur dépit, ils s’en prenaient aux hommes qui se trouvaient devant eux, leur débitant, avec leur faux accent italien, tout le répertoire des idioties qui forment le fond de leur langage :

— Tenez-vous droit !… Les mains dans le rang !… La tête droite !… Les talons joints !… Quatre jours de salle de police !… Vous en aurez huit…

Tout d’un coup un pied-de-banc, qui n’a pas encore fini d’inspecter sa section, pousse un cri de triomphe. Il vient de s’apercevoir qu’un de ses hommes, le nommé Loupat, un petit chasseur à cheval, arrivé de France au bout de dix-huit mois de service, n’a pas le nombre réglementaire de cartouches. Le chaouch compte et recompte les cartouches et se relève enfin, souriant :

— Il en manque deux. Je vais prévenir le capitaine.

Cinq minutes après, il revient et, s’adressant à Loupat qui, le regard perdu, semble un animal qui voit venir le coup de masse qui doit l’assommer et ne sait comment l’éviter :

— Vous pouvez rester avec vos camarades. Le capitaine a dit que ce n’était pas la peine de vous mettre