Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

monotone et plaintif dont j’entendrai bien des fois encore retentir les couplets ; un chant noirci par la résignation du paria et plaqué de rouge par l’ironie du galérien qui rêve de briser sa chaîne :


Savez-vous ce qu’il faut faire
En ce lieu ?
Il faut tout voir et se taire,
Nom de Dieu !…
Nos chaouchs, qui sont des vaches,
Nous emmerdent, nous attachent,
Mais sur leur gourite on crache
Quand on peut.


Et, tous en chœur, ils se mettent à hurler le refrain :


Répétons à l’envi
Ce refrain sans souci :
Vivent l’amour et le vin,
La danse, les joyeux festins !
Oui, tout cela reviendra,
Oui, tout cela reviendra,
Quand le diable le voudra !


— Halte ! s’écrie le capitaine.

Nous nous arrêtons et nous déposons nos sacs énormes qui nous montent à mi-corps, si pesamment chargés que les bretelles en craquent. Le mien me paraît tellement lourd, je suis tellement harassé, que je ne sais vraiment pas si, tout à l’heure, je serai capable d’arriver à la pause en même temps que les autres et si je ne serai pas forcé de rester en route, comme les traînards qu’on a laissés en arrière et qui sortent seulement maintenant de l’oasis. Nous les attendons, assis par terre, derrière les fusils réunis en faisceaux ; je respire largement l’air frais du ma-