Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/206

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— Comment ! tu n’as pas entendu parler de l’Homme-Kelb ? L’Homme-Chien qui a du poil jusque dans les oreilles ?

— Non.

— Eh bien, tu ne vas pas tarder à faire sa connaissance, ainsi que celle de l’honorable capitaine Mafeugnat. Ah ! tu te figures que tu vas avoir affaire à des chaouchs ordinaires ? Pas du tout. Ce sont des chaouchs de choix, de première catégorie. On n’en fait plus comme ça. Le moule est perdu. Le capitaine d’abord : un capitaine en second qu’on a envoyé aux Compagnies de Discipline parce qu’il préférait les bouteilles pleines aux bouteilles vides et dont le nez ressemble à une pomme de terre pourrie ou à une poire blette…

— Queslier ! s’écrie le caporal qui nous commande et qui a entendu la dernière phrase, je vous porte quatre jours de salle de police avec le motif, si vous dites un mot de plus.

Queslier prend le parti de se taire et, haussant les épaules, force l’allure pour se porter en avant. Je le suis avec Hominard et bientôt nous marchons à une trentaine de pas de nos sept camarades ; entre leurs capotes et leurs képis gris, apparaissent le képi et le pantalon rouge du caporal.

Nous descendons une côte caillouteuse. La route, étroite, bordée de grosses pierres, s’engage dans un défilé, le long du lit raviné d’un oued dont les galets grisâtres et polis recouvrent à demi des amas de roseaux desséchés ou les troncs noirâtres d’arbres déracinés et apportés là par les eaux, à l’époque des grandes pluies. Puis, après un dernier détour, nous entrons dans une vallée aride, semée de loin en loin de buissons d’épines et encaissée entre des collines taillées à pic, au terrain rougeâtre, sur lequel des touffes