Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/220

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Tout le détachement veut se mettre en marche, immédiatement, pour arriver à Boufsa, où se trouve le général, après-demain matin. Il a fallu faire entendre raison à ces enragés, ― des enragés qui commençaient à voir tout en rouge, après avoir vu tout en noir, et qui ne parlaient de rien moins que de la condamnation à mort de Mafeugnat, au conseil de guerre devant lequel le ferait passer le général.

Il est décidé que nous partons à six, Queslier, le Crocodile, Acajou, moi et deux autres. Nous faisons la quête pour avoir du pain pendant les deux jours que nous aurons à marcher. Chacun nous apporte un croûton ou un morceau de biscuit. Nos musettes sont à peu près pleines.

— Assez comme ça, dit Acajou. Sans ça, nous engraisserions et nous ne pourrions plus doubler les étapes. Quand on n’a pas l’habitude de manger à sa faim, vous comprenez…

Nous empoignons nos fusils et nous sortons du camp à la queue leu-leu. Le capitaine, qui cause sur sa porte avec les chaouchs, nous aperçoit.


— Halte-là ! où allez-vous ?

— Nous allons à Boufsa, porter une lettre pressée au général, répond le Crocodile.

Le capitaine devient tout pâle.

— Rentrez dans le camp ! Je vous défends de faire un pas de plus !

Pour toute réponse, nous nous remettons en marche. D’un bond, Mafeugnat rentre chez lui et sort avec un revolver à la main. Il lève le bras.

— Si vous ne vous arrêtez pas, je fais feu !

Nous sommes à dix pas de lui et il met en joue le Crocodile. Tous ensemble, nous prenons à la main