Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/236

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Pourquoi pas ? Seulement, voilà : je ne sais pas par qui m’en faire envoyer. Mes parents ? Je les ai saqués d’une sale façon, il y a déjà longtemps ; d’ailleurs, pour rien au monde, je ne voudrais leur demander un sou… Alors, quoi ? … Paf ! voilà que mes souvenirs qui se sont mis à danser une sarabande dans mon cerveau d’affamé s’abattent sur la figure d’un cousin éloigné ; un brave garçon, que je n’ai pas vu depuis longtemps, mais qui m’a toujours porté un certain intérêt. Est-ce une raison pour croire qu’il va s’empresser de déposer son offrande sur l’autel de ma fringale ? Puis-je espérer que la victime viendra elle-même tendre au couteau, qui ne demande qu’à l’ouvrir, non pas sa gorge, mais sa bourse ?

Essayons. Je joue du cousin. Je lui écris une lettre insidieuse et apitoyante. Je le prends par tous les bouts ; je le tâte de tous les côtés. J’ai l’air d’un rétiaire qui cherche à envelopper l’ennemi de son filet pour le percer de son trident.

Quatre pages ! c’est assez. Je ne lui dis pas, dans ces quatre pages, que je suis aux Compagnies de Discipline. Je ne veux pas effaroucher sa pudeur, mettre en déroute ses instincts honnêtes de bon bourgeois, le forcer à coller les mains sur ses yeux. ― J’aime bien mieux qu’il les mette à sa poche. ― Je lui raconte une petite histoire : J’ai été envoyé dans le Sud, tout dans le Sud, pour escorter une mission scientifique chargée d’étudier les inscriptions romaines gravées sur les sables du désert. Il n’y a pas de bureaux de poste, dans ce pays-là. « Il y en aura peut-être un jour ; espérons-le du moins, cher cousin. » En attendant, je serais très heureux si mon excellent parent consentait à m’envoyer une certaine somme au nom du sapeur Bompané qui me la fera parvenir sans faute.