Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/238

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sais que je ne pourrai pas avoir de réponse avant une dizaine de jours.


Nous travaillons toujours à la construction du bordj, un quadrilatère garni de casemates couvertes de voûtes en pierres et défendu par des bastions, aux deux angles opposés. Le travail est moins dur, maintenant que nous n’avons plus sur le dos la bande des étrangleurs ; seulement, il est plus compliqué. Le lieutenant du génie, qui est un roublard, a embauché quelques Italiens pour la maçonnerie et nous a chargés, nous, d’extraire la pierre des carrières et de fabriquer la chaux et le plâtre nécessaires. Nous avons établi des fours et, pendant que les uns les remplissent, les autres s’en vont faire dans la montagne la provision de bois indispensable. On ne nous escorte pas dans nos pérégrinations et, pourvu que nous revenions avec un fagot à peu près raisonnable, personne ne nous chicane. Nous n’abusons pas outre mesure de la liberté qui nous est laissée ; nous en abusons un peu, naturellement, car l’homme n’est pas parfait et l’affamé moins que tout autre ; mais nous nous bornons à dévaliser par-ci par-là un Arabe dont les bourricots sont chargés de dattes, ou à enlever un agneau que nous faisons rôtir dans un ravin. Il y a aussi, derrière les montagnes, des jardins plantés de figuiers où nous allons pousser des reconnaissances assez souvent. Les Arabes se sont aperçus que leurs fruits disparaissaient comme par enchantement et se sont mis à monter la garde. Au lieu de les détrousser en cachette, nous les avons détroussés en leur présence et, comme ils ont fait mine de se rebiffer, nous leur avons flanqué une volée. Là-dessus, ils ont été se plaindre au camp, où le factionnaire, naturellement, les a reçus