Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/240

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qui rapportent du bois sur des bourricots et qui font de la chaux à la grâce de Dieu. Pour nous, nous sommes employés simplement à servir les maçons. Qu’est-ce que ce changement peut signifier ?

Un sapeur, sur les chantiers, nous donne la clef de l’énigme. Le lieutenant du génie attend un général inspecteur des travaux. Or, comme il marque régulièrement et quotidiennement sur ses livres de comptes trente journées d’indigènes porteurs de bois et trente journées d’indigènes chaufourniers, il ne se soucie guère d’être pris en flagrant délit de contradiction avec lui-même. Il tient à établir, pour un ou deux jours, dans la pratique, l’équilibre qu’il a établi théoriquement entre les recettes et les dépenses.


Le général est passé, a examiné, a félicité et s’est retiré on ne peut plus satisfait, promettant au lieutenant la croix qu’il a si bien méritée.

Le soir même, les Arabes ont été congédiés et n’ont plus figuré, à l’état d’auxiliaires, que sur les livres où des états de solde sont dressés périodiquement. Quel roublard, cet officier du génie !


— Il la connaît dans les coins, dit Bras-Court en hochant la tête, le soir, quand nous sommes réunis dans un coin du camp pour causer ou écouter des contes.

— Tout ça, voyez-vous, dit Acajou d’un ton sentencieux, c’est voleur et compagnie. Seulement, il vaut mieux ne pas dire tout haut ce qu’on en pense… Ah ! à qui le tour de raser ? À toi, l’Amiral !

L’Amiral secoue la tête. Ce n’est pas à son tour. Queslier qui est assis sur une pierre, dans un coin, pensif, a l’air de se réveiller en sursaut.