Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/242

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major de Karmouan eut une idée splendide : il désigna à celui de Jouffe un individu qui pourrait servir d’homme de paille. Cet individu était Choumka. L’idée fut fort goûtée et Choumka fut accepté avec enthousiasme, entre la poire et le fromage d’une orgie dont il avait sans doute procuré l’élément féminin.

« Tout le monde était émerveillé. Ce que c’était que le commerce ! Choumka, le mercanti, celui qui avait vendu la goutte aux soldats derrière la Kasbah, était devenu fournisseur de toutes les subsistances militaires et des moyens de transport ! Il avait un parc d’arabas à Jouffe, un autre à Karmouan ! Que n’avait-il pas ? Il avait tout !

« Ça alla bien assez longtemps. Les bailleurs de fonds et le titulaire de l’adjudication s’entendaient comme larrons en foire. Ce dernier se contentait de la part que le lion voulait bien lui laisser, sans préjudice de la vente ― combien de fois répétée ― des mêmes bottes d’alfa ou de foin et des mêmes sacs d’orge, qui ne sortaient de ses magasins que pour y revenir, le soir même, sur des prolonges escortées d’un maréchal des logis ou autre adjudant. Choumka était aussi fournisseur des matériaux pour le génie, pierres, chaux, plâtre, etc. Il sut obtenir les bonnes grâces du commandant supérieur du cercle et se fit donner des hommes de corvée qui travaillèrent à lui construire une maison sur une des places de la ville. Un bataillon d’infanterie fournissait les hommes ; le génie, les plans et devis, les outils et les matériaux ; la maison avançait rapidement ; c’était une sorte de villa que devait habiter plus tard l’état-major…

« Quelle mouche les piqua tous, tout d’un coup ? Quelle est la moukère que Choumka ne put ou ne voulut procurer pour une petite soirée à la Poste ? ― C’était