Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/272

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— Pourquoi passes-tu au conseil de guerre ?

— Pour refus d’obéissance. J’attraperai deux ans de prison. Je l’ai fait exprès. Je m’embêtais ici…

Il a un rire idiot.


— Tu comprends, quand j’aurai fini mes deux ans, je serai versé dans une autre compagnie… J’y serai peut-être moins mal qu’ici… Tu sais, je t’ai détaché, mais tâche de ne pas le faire voir. Ne profite pas de ça pour aller te promener…


Non, mon ami, non, je n’irai pas me promener. Pas aujourd’hui, du moins ; mais demain, après la confrontation avec les témoins chez le capitaine, si je vois que l’ignoble complot qu’on a formé contre moi réussit, si je vois que le crime que les abjects chaouchs ont depuis si longtemps prémédité est sur le point de s’accomplir, eh bien ! il se pourrait que j’aille faire une petite promenade, la nuit, quand on n’y voit point à trois pas. Il se pourrait que je monte là-haut, au camp, que je prenne une baïonnette dans un marabout et que j’entre tout doucement, sans me laisser voir de personne, dans la baraque où ronflent les pieds-de-banc, ou dans le bord où dort le capitaine. Et il pourrait se faire aussi, vois-tu, que j’aie du sang aux mains lorsque je viendrai réveiller le chef de poste, après ma promenade nocturne, pour le prier de m’écrouer.

Tu ne m’aurais pas détaché, n’est-ce pas, si tu t’étais douté de ça ? Et si je te livrais mon secret maintenant, tu appellerais le chaouch de garde à grands cris, n’est-ce pas ? Mais tu ne te doutes de rien ; tu dors peut-être tranquillement, avec tes deux ans de prison en perspective, toi qui fais exprès de passer