Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/281

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— Un bidon ! comme vous y allez ! s’écrie l’adjudant. Un demi-bidon, s’il vous plaît.

— Mais, mon adjudant, puisque le tonneau était encore plein tout à l’heure…

— Et ce qu’il m’a fallu pour ma toilette ?

Nous avons un cri de stupéfaction.

— Sa toilette ! le moment est bien choisi…

— Qu’est-ce que c’est ? Demi-tour ! et vite !

Et nous partons, sous le soleil de plomb, gravissant les montagnes abruptes, dégringolant les pentes caillouteuses des oueds, avec cette chopine d’eau, bientôt bouillante, et dont il ne reste pas une goutte au bout d’une heure.


Combien de temps avons-nous marché, l’Amiral et moi ? Je l’ignore. Mais je sais que jamais je n’ai tant souffert de la chaleur, que jamais la soif ne m’a torturé ainsi. Il vient un moment où, le corps en sueur, exténués, la gorge sèche, nous laissons tomber nos fusils par terre et nous nous étendons, haletants, sur le sable brûlant. Nous avons un doigt d’écume desséchée sur les lèvres ; nous ne pouvons plus parler. L’Amiral me tire par le bras et me fait signe de nous remettre en route. Où allons-nous ? Droit devant nous. Nous n’avons plus l’espoir de retrouver le camarade égaré. Il est mort, sans doute ; il est tombé entre les mains des Arabes et l’on n’entendra plus jamais parler de lui, pas plus que de ces traînards qui, à la queue des colonnes, disparaissent mystérieusement.

Nous n’en pouvons plus. Il ne nous reste qu’à regagner le camp. Nous gravissons une crête pour nous orienter. L’Amiral marche à dix pas devant moi. Brusquement, il pousse un cri strident et, derrière un rocher, disparaît en courant. Je le suis…