Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/300

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carrément l’aveu, car les potins et les cancans, vois-tu, je m’en fiche comme de Colin-Tampon. Voilà donc une des causes pour lesquelles m’ont envoyé à la Discipline ― tu peux lire bagne, avec la condamnation en moins, mais les tortures en plus ― des gens dont l’état d’ébriété est continuel, dix-neuf fois sur vingt grossiers par habitude et bêtes par nature, et chez lesquels l’absinthe et les règlements militaires combinés ont produit cette élévation intellectuelle et morale, et cette abnégation patriotique que nous aimons à admirer dans Bazaine ― et compagnie.

« La seconde cause de ma relégation ― passe-moi le mot, il est à la mode depuis que les bourgeois qui nous gouvernent ont pris le parti de reléguer ― surtout ne va pas lire : transporter ― à Cayenne, les récidivistes, leurs victimes ― la seconde cause de ma relégation loin des rangs de l’armée régulière, dis-je, c’est mon indiscipline. Ici, ma foi, je ne me défends point, oh ! point du tout. Je suis un indiscipliné, c’est vrai. Pas pour longtemps, pourtant ; car l’indiscipline ne pouvant exister qu’avec l’esclavage et le jour de la délivrance devant prochainement luire pour moi, j’espère être bientôt, non plus un indiscipliné, mais un insurgé.

« … Si je n’ai pas écrit plus tôt, si je suis resté si longtemps sans donner de mes nouvelles, si je n’ai pas avoué la vérité, je l’ai fait pour deux raisons que voici : d’abord, quand j’ai un verre de fiel à boire, j’aime à le boire seul ; ensuite, j’ai craint que l’un de vous n’eût l’idée d’aller intercéder en ma faveur, pleurer ma grâce auprès de tel ou tel empanaché influent. Voilà surtout ce que je redoutais, car je tiens à la garder tout entière, ma haine contre les tortionnaires à galons d’or et les voleurs à culotte de peau. Je n’ai