Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/57

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furieux les transporte. Alors, ils se transfigurent : ils deviennent très grands, ces frénétiques ; très beaux, ces exaltés rageurs ; magnifiques, ces visionnaires ; presque sublimes, ces inspirés ! Avatar de mendigos vermineux en Homères imperturbables.


J’éprouve un grand plaisir, vraiment, depuis que j’ai quitté la France, depuis que j’ai abandonné l’horrible existence de la caserne pour la vie plus supportable des camps, à aller et venir à droite et à gauche. Je me reprends peu à peu. Et, pendant mes heures de liberté, assez fréquentes, je ne manque pas un des spectacles, toujours attrayants pour un nouveau venu, que peut offrir une ville africaine.

Je ne me promène pas, du reste, que dans les quartiers arabes, je vais aussi dans le quartier européen.

Il me plaît moins.

Je serais bien embarrassé de dire pourquoi, par exemple. Il n’y manque absolument rien, non pas de ce qu’on pourrait souhaiter, mais de ce qu’on trouve le plus communément en France ; des cartes et des billards, des cafés et des caboulots. De grandes pancartes indiquent à chaque pas les prix ― très raisonnables ― des différentes boissons que des dames de nationalités variées, en jupons courts et en corsages échancrés, sont toujours prêtes à vous servir.

Les femmes, le jeu, l’alcool, voilà les trois produits de notre civilisation avec lesquels nous faisons honte aux indigènes de leurs mœurs grossières et sauvages. Ah ! le progrès doit leur apparaître sous les plus riantes couleurs, à ces braves Arabes ; ils se le représentent sous la forme des tonneaux de liqueurs que nous traînons derrière nos convois et à la queue de