Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/60

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ta sœur ! » ― en français ― et vous taillent des basanes ― en français. ― On en trouve même qui commencent par parler argot ; qui ne savent pas dire : pain ― mais qui disent : du gringle ; ― qui ignorent la viande, mais qui connaissent la bidoche ; ― voire même la barbaque.

Oh ! ils apprennent très facilement. Il paraît même qu’ils retiennent bien. Que voulez-vous de plus ?


— Ce que je voudrais, ce serait que le gouvernement fût un peu moins bête et un peu moins rosse.

Je me retourne. Celui qui interrompt les réflexions que j’ai fini par me faire à haute voix est un colon dont j’ai fait la connaissance, il y a quelque temps. Ses concessions sont établies à une bonne journée de marche du Kef, non loin de la ligne de chemin de fer qui doit finir par relier l’Algérie à Tunis.

— Oui, continue-t-il en me frappant sur l’épaule, voilà ce que je demande. Qu’est-ce que vous pensez, vous, de gens qui veulent à toute force avoir des colonies et qui, une fois qu’ils les ont, font tout ce qu’ils peuvent pour les empêcher de leur être utiles à quelque chose ?

Je fais un geste vague.

— Je vous ai, je crois, déjà raconté mon histoire ?

— Oui, elle est édifiante.

— Vous savez que, lorsque je suis arrivé en Tunisie, lorsque j’ai commencé à exploiter une concession qu’on m’a fait payer à beaux deniers comptant, je croyais pouvoir espérer l’appui, au moins moral, de l’administration…

— Vous auriez aussi bien fait de compter sur les bénédictions de ce marabout qui chante son cantique là-haut.